dimanche 15 mai 2016

Live Report : Rone (Art Rock, Saint-Brieuc, 14 Mai 2016)

La trente-troisième édition du festival Art Rock qui se tenait ce week end s’étalait une fois de plus sur trois jours. S’il y a, comme c’est toujours le cas, à boire et à manger dans la programmation, c’est également le cas en coulisses - on y reviendra - et cela préfigure quelques grands moments musicaux.


En ce sens, la plus grosse attente du week end était incarnée par Rone, manqué à La Route du Rock l’été dernier, et dont la présence dans les Côtes d’Armor constituait une belle opportunité de conjurer le mauvais sort.

Avant cela, toutefois, un passage par Rock’n’Toques s’imposait. Depuis 2008, le festival briochin propose aux grands chefs locaux de créer des recettes inédites et accessibles aux festivaliers. Pour la modique somme de huit euros, ce sera donc un hot dog de volaille marinée au rhum avec sa sauce aïoli de patates douces qui pourra satisfaire des papilles qui n’ont aucune raison d’être délaissée lorsque les oreilles s’apprêtent à être comblées par la prestation de l’auteur du formidable Spanish Breakfast.

Theremin sur sa gauche, laptop face à lui, Erwan Castex invite également un batteur presque caché sur la droite de la scène, tandis que François Marry de Frànçois & The Atlas Mountain prendra le micro pour une session assez dispensable - le public ne s’y trompera, pour une fois, pas - de Quitter La Ville.

Pour le reste, le visuel fait la part belle aux Creatures qui prêtent leur nom au troisième LP de l’artiste - également auteur de l’EP Vood(oo) en début d’année - trouvant un équilibre assez efficace - on n’oubliera pas que Rone a fait des études de cinéma - entre mystère et retenue, de telle manière que le spectateur peut s’offrir le luxe d’être à la fois attentif aux images et à la prestation scénique.
Côté musique, il est impossible de reprocher à Rone d’être trop scolaire dans ces versions lives. Celles-ci s’étirent, s’étendent, et sont agrémentées d’effets absents des sessions en studio.

Les séquences excédent ainsi toujours les cinq-six minutes, et l’auditeur parvient à fermer les yeux - lorsqu’il n’est pas aspergé de bière, confirmant ainsi le constat de Birdy Nam Nam expliquant la veille ne jamais avoir vu un public "aussi bourré, aussi tôt dans la soirée" - et s’imagine ainsi des constellations sonoro-spatiales du meilleur effet, avant de rouvrir ses globes pour confronter son imagination aux korrigans (Bretagne oblige) hantant l’écran géant.

Les fans les plus fidèles du musicien apprécieront le fait de retrouver un Bora Vocal finalement isolé parmi les repêchés de l’indépassable Spanish Breakfast, tandis que les extraits des plus inégaux Tohu Bohu et surtout Creatures bénéficient d’une exposition particulière.

De fait, la magie opère sans problème lorsque l’option retenue convie les spectateurs à l’onirisme mais, il faut bien l’avouer, la réussite n’est pas au rendez-vous lorsque le délicat filet séparant l’artiste de la grandiloquence se perce. Le problème est que, le cas échéant, le public répond présent et semble encourager le Français à poursuivre dans cette veine "club".

Faut-il seulement y voir le fait que ce jeune public est seulement prompt à bouger ? Même pas, puisque certains titres particulièrement intéressants sur le plan rythmique et évoquant, grâce à la batterie, les prestations de Caribou, ne recueillent qu’un accueil poli quand les profusions d’effets électroniques trahissant l’admiration d’Erwan Castex pour un Aphex Twin inégalable et dont les tentatives de plagiat sont, quel que soit l’artisan qui s’y essaie, toujours vouées à l’échec, génèrent l’euphorie du jeune public briochin.



Tel est donc la principale problématique qui s’ouvre à Rone quant à son avenir : poursuivre dans une veine contemplative au risque de redevenir plus confidentiel, ou céder à un public à la recherche d’une immédiateté qui pousse le fan de Boards of Canada et Autechre à sacrifier ses premiers amours Warpiens ? La sortie de l’élégant Vood(oo) EP, dont nous parlerons prochainement dans ces colonnes, pourrait donner un aperçu du choix entrepris par le Français : s’adonner, comme d’autres avant lui (qui a parlé de Goldfrapp ?), à une carrière schizophrénique au cours de laquelle les disques ambitieux succèdent à des sorties draguant très (trop ?) ouvertement les clubs de dance ?

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